La foi d’Antoine de Bourbon, roi de Navarre. Le premier prince du sang face à la crise politique et religieuse en France (1555-1562)

Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, roi de Navarre, premier prince du sang et progéniteur de la maison royale de Bourbon, s’est fait à la fin de sa vie en 1562 une mauvaise réputation surtout parmi les protestants. Les espérances qu’ils avaient mises en lui furent déçues, et ils considéraient qu’il avait trahi la cause de Dieu et sa conscience en continuant à revendiquer un royaume fantôme qu’il cherchait à obtenir du roi d’Espagne. Certains contemporains l’ont décrit comme courageux, mais souvent frivole et manquant de jugement. D’autres ont dit qu’il avait mal traité sa femme, Jeanne d’Albret, l’héroïne de la cause protestante. Depuis, la plupart des historiens ont suivi ce point de vue. Ce jugement semble fixé et il est probablement inutile de le combattre, mais on doit le regarder tout simplement comme une tradition historiographique. L’auteur du présent article, qui prépare une édition aussi complète que possible de sa correspondance active et passive (plus de 1 250 lettres), considère que le moment est venu d’évaluer à nouveau sa sensibilité religieuse et les dilemmes auxquels il a fait face pendant les années de l’essor du protestantisme en France et le début des guerres de religion, durant lesquelles il a joué un rôle central. Sa correspondance apporte des nuances à ses croyances religieuses et le met décidément parmi ceux, tout en sympathisant avec l’idée de réforme, étaient plutôt « moyenneurs » pragmatiques, qui ne se souciaient des controverses dogmatiques, enclins enfin aux doctrines « évangéliques » de la Confession d’Augsbourg. Cette position l’a mis dans une situation impossible pendant les années des controverses de plus en plus aiguës. Bien qu’on l’ait souvent dit dépourvu d’expérience politique, il était en réalité rompu au gouvernement des provinces et expérimenté comme chef militaire. Il est toutefois vrai que sa clientèle, à l’origine issue de Picardie, était mal adaptée au territoire qu’il détenait en Gascogne par l’héritage de sa femme. Il fut pourvu de la charge de lieutenant-général du royaume en 1561 et, bien que Catherine de Médicis ait su manier l’appareil de l’État, son office était d’une importance prééminente pour un prince qui se regardait comme le protecteur de la couronne et ancré dans un monde dynastique qui excluait l’abandon des droits hérités souvent regardés – alors et maintenant – comme inutiles. D’où son obsession de faire valoir ses droits en Navarre, ses négociations avec Philippe II et l’influence de celles-ci sur ses décisions relatives à la question religieuse.