Le débat sur le libre arbitre dans l’évolution d’Érasme
S’interroger sur la place du débat sur le libre arbitre dans l’évolution d’Érasme conduit à cheminer avec lui tout au long de la décennie 1520 qui est, pour lui, celle du désenchantement et de la désillusion. Il faut rappeler tout d’abord la genèse de ce débat, les raisons pour lesquelles l’humaniste de Rotterdam accepte, bien malgré lui et après avoir tenté à de multiples reprises d’y échapper, d’entamer un dialogue avec Martin Luther en 1524. Avec la publication du De libero arbitrio, Érasme souhaite, comme le montre l’analyse des vocables employés dans le titre même de son ouvrage, uniquement discuter avec le réformateur et non se confronter à lui et à ses idées. Mais Luther ne l’entend pas ainsi et son De Servo arbitrio de décembre 1525 use d’un ton si incisif qu’il oblige Érasme à quitter le monde du dialogue de papier pour entrer dans l’arène de l’histoire et de la violence des hommes. L’humaniste devient alors l’objet des invectives de ses contemporains catholiques comme luthériens et connaît une période de silence douloureuse en 1525. Si l’humaniste publie, en 1526 et 1527, deux volumes de l’Hyperaspistes qui démontrent son engagement contre Luther afin que la clarté des Écritures ne puisse en aucun cas se substituer à l’interprétation ecclésiale, il n’empêche qu’ils révèlent aussi et surtout sa faiblesse, sa découverte de l’impuissance du langage, de la solitude du dialogue et de la nécessité de faire des concessions pour sauver la vieille Église de Rome.