Un protestantisme d’atmosphère. Itinéraires croisés d’Émile Souvestre, Eugène Sue et Edgar Quinet

Parmi les nombreux intellectuels qui se sont intéressés au protestantisme avec sympathie au cours du premier XIXe siècle, Edgar Quinet est le plus connu. Sa démarche est celle d’un philosophe de l’Histoire : s’interrogeant sur l’échec de la Révolution française, il pose en principe le lien entre théologie et politique, affirmant l’incompatibilité du catholicisme et de la liberté donc de la démocratie – un postulat que corrobore l’évolution politique de 1848 à 1851. Eugène Sue, feuilletoniste à succès passé du légitimisme au socialisme puis à l’anticléricalisme militant, partage ce point de vue. Les deux hommes, en dépit de la publication commune en 1857, depuis l’exil, d’un retentissant manifeste anticatholique, n’ont jamais formé de liens amicaux. De tels liens ont existé entre l’écrivain breton Émile Souvestre que son amitié avec Alexandre Vinet avait rapproché du protestantisme. Chacun de ces trois hommes entretient un rapport à la religion qui lui est propre : Sue est athée, Quinet est un spiritualiste chrétien, Souvestre est peut-être près de se convertir lorsqu’il meurt en 1854. Engagés à gauche, ils sont en quête d’une religion compatible avec la modernité politique. La mise en regard de leurs itinéraires respectifs permet d’apprécier le « protestantisme d’atmosphère » qui imprègne les milieux intellectuels progressistes dans les années 1840-1860.