Vient de paraître

Julien Léonard et Noémie Recous (dir.), Un parcours en protestantisme, t. II : Compagnons de route, Lyon : Chrétiens et sociétés – Documents et mémoires 47, 2023, 268 p.

 

En parallèle d’un recueil d’articles d’Yves Krumenacker et reprenant le même surtitre, ce volume « Compagnons de route » propose de rendre hommage aux travaux du professeur désormais émérite de l’université Lyon 3, à qui les deux ouvrages ont été offerts le 20 février 2023. Si les apports directs du chercheur en histoire du protestantisme sont bien visibles dans tous ses travaux depuis plus de 25 ans, et notamment dans ceux qui sont rassemblés dans les « Chemins de traverse », son influence a aussi pu s’exercer à travers des collaborations, diverses entreprises collectives, ou la direction de jeunes chercheurs.

C’est pour appuyer cet aspect-là que nous avons, en tant qu’anciens disciples d’Yves Krumenacker devenus ses amis, rassemblé treize textes de collègues et élèves qu’il a croisés au fil de sa carrière. Les relations privilégiées et les affinités scientifiques qu’il a ainsi nouées viennent nous rappeler que le travail de l’historien relève tout autant d’une démarche et d’un parcours personnels que de rencontres, d’échanges, de collaborations et de compagnonnage. Afin de rendre un hommage embrassant au mieux ses centres d’intérêt en histoire du protestantisme, ces contributions inédites ont été classées en quatre grandes parties qui, sans circonscrire totalement les domaines sur lesquels il a travaillé et publié, en donnent une idée. Les trois premières sont, classiquement, chronologiques.

Une première partie s’intéresse ainsi aux racines du protestantisme réformé et aux premiers temps d’institutionnalisation des Églises, au xvie siècle. Raymond Mentzer y propose une approche comparative de la régulation des comportements chez les prêtres catholiques et les pasteurs réformés, autour du constat du maintien des « péchés cléricaux ». Nathalie Szczech questionne les pratiques d’évangélisation dans leur dimension collective, autour de congrégations de prédicants aux premiers temps de la Réforme et au cœur d’un de ses tout premiers terrains de diffusion, la Suisse romande des années 1530. Quentin Roca met en lumière les relations d’amitié liant Calvin, Farel et Viret à Théodore de Bèze, à travers un florilège d’extraits de correspondances entre réformateurs.

Dans un deuxième temps, c’est au protestantisme « établi », et aux enjeux auxquels il se trouve confronté au xviie siècle que des contributeurs et contributrices ont proposé de s’intéresser. Un mémoire du cardinal Guido Bentivoglio, nonce en France, sur l’état du protestantisme du royaume en 1619, est analysé et édité par Simona Neggruzzo, comme un exemple de regard extérieur (et parfois bien informé). À cette époque de stabilisation des communautés, la controverse reste un élément fort, et fait la part belle aux pasteurs qui en sont des spécialistes, ou qui parfois sont eux-mêmes des fauteurs de troubles, comme le suggère la contribution de Didier Boisson, qui porte sur le ministre Élie Péju. Il ne faut néanmoins pas oublier que derrière le terme « protestant » existent encore au xviie siècle des clivages importants et de forts débats, notamment entre luthériens et réformés, comme le montre Julien Léonard qui enquête sur les remous provoqués par la conversion de la princesse réformée Anne de Coligny au protestantisme luthérien.

Le xviiie siècle est enfin marqué par la consolidation des identités confessionnelles, mais aussi par les stratégies de résistance et de résilience de communautés protestantes malmenées. Ainsi, Maria-Cristina Pitassi présente une recherche minutieuse sur la place de l’histoire, de l’apologétique et de la raison dans l’herméneutique de Jean-Alphonse Turrettini, tandis que Céline Borello présente le pasteur Jean-Antoine Blachon, « prédicateur en Révolution (et au-delà) ». Hubert Bost étudie le cas précis de La Beaumelle, révélant un parcours en équilibre entre nicodémisme et militance. Sarah Rouvière, quant à elle, nous raconte les stratégies d’évasion des détenus protestants dans le Vivarais.

La quatrième et dernière partie est plus méthodologique, consacrée à l’historiographie, aux aspects à la fois mémoriels et épistémologiques de l’histoire. Cela permet d’aborder l’historiographie protestante de l’époque moderne, d’abord avec une étude de Christian Grosse sur les rites réformés de « dédicace » des nouveaux temples (une procédure à première vue étonnante), puis avec le travail de Wenjing Wang qui examine le rôle joué par l’histoire des albigeois dans la construction de l’identité protestante moderne. Pour clore le tout, un article coécrit par Christine Chadier et Pierre-Jean Souriac porte sur l’usage des listes et leur traitement informatique en histoire du protestantisme, un domaine dans lequel Yves Krumenacker s’est investi en pionnier.

Toutes ces contributions, aussi variées soient-elles, révèlent l’importance, dans la recherche historique, de faire communauté et d’y faire vivre un dialogue sans cesse renouvelé.

 

Julien Léonard et Noémie Recous